Dispositif d’Appui à l’Insertion Socio – Economique des Femmes et Jeunes Défavorisés (DAISEFJD) : une solution pour l’intégration des Femmes et Jeunes défavorisés dans les circuits de production pour un développement durable
Une approche d’intervention efficace de lutte contre la pauvreté : L’économie sociale et solidaire
Achille Noupeou, Januar 2011
A. A l’origine du projet
Le contexte socio - économique du Cameroun, marqué par la crise économique et manifestée par de nombreuses crises multiformes, lesquelles ont amplifié la pauvreté et affaibli les indices de développement humain et social ainsi que les indicateurs macroéconomiques en deçà de la moyenne : revenu par tête de moins d’un dollar US/jour, un taux de croissance de moins de 4% par an. Ceci est le fait conjugué de la faible intégration des femmes et jeunes dans les circuits de production.
Pour pallier à ces manquements, de nombreuses mutations ont été opérées en passant par une véritable transformation sociale et un éveil de conscience vers une valorisation d’une approche nouvelle de développement centrée sur l’économie sociale et solidaire d’une part ; la prolifération et l’émergence des petits métiers, généralement focalisés dans l’informel par les jeunes et femmes d’autre part.
Au regard de ce qui précède , et dans une perspective d’amélioration des conditions de vie des Femmes et Jeunes défavorisés, ASSOAL a initié en 2008 avec le concours financier de CORDAID, et ce en complémentarité du « Projet NTIC Emploi Jeune » , un Projet dénommé « Dispositif d’Appui à l’Insertion Socio – Economique des Femmes et Jeunes Défavorisés » visant l’appui financier par le micro - crédit pour la mise en œuvre des Activités Génératrices de Revenus (AGR) des Femmes et Jeunes défavorisés et des Groupes d’Initiatives Communes .
B. Compréhension des termes
Qu’est– ce que l’économie sociale et solidaire ?
L’économie sociale et solidaire est l’ensemble des mesures de gestion des inégalités, des injustices sociales qui concourent à la promotion sociale et à la réduction de la pauvreté. En d’autres termes, l’économie sociale et solidaire peut encore être considérée comme l’ensemble des règles, des mesures, des politiques et des actions qui contribuent à la production et la redistribution pour la consommation équitable des biens et services au sein d’une communauté ou d’une société.
C. Objectifs et enjeux
• Au niveau des cibles (femmes et jeunes défavorisés)
(1) Réduire la vulnérabilité des cibles par l’appui financier de leurs AGR pour leur autonomisation ; (2) Réduire le taux de chômage des jeunes ; (3) Renforcer les connaissances et compétences des cibles en matière de gestion d’une AGR ; (4) Développer l’esprit d’initiative et d’entreprenariat des cibles ;
• Au niveau des IMF
(1) Renforcer les connaissances et compétences des responsables d’IMF partenaires en matière de gestion d’une structure de micro – finance ; (2) Rendre les IMF partenaires du DAISEFJD autonomes.
• Au niveau de la société
(1) Renforcer l’image de marque et la crédibilité de la micro finance au sein de la société Camerounaise; (2) Contribuer à la stabilisation familiale et à la réduction des conflits familiaux ; (3) Préserver la stabilisation sociale par la réduction des tensions sociales et l’amélioration des conditions de vie des citoyens aux travers des micro – projets financés ;
L’enjeu majeur ici est de voir les conditions de vie des cibles être améliorées de façon à pouvoir dénoter clairement l’impact du projet sur les cibles directs du DAISEFJD. En outre, le second enjeu non moins négligeable serait que les IMF partenaires du DAISEFJD s’approprient la procédure d’octroi de crédit.
D. Déroulement du projet
Afin d’atteindre les objectifs escomptés, et mener à bien cette initiative ô combien salvatrice, une convention de partenariat a été signée entre ASSOAL et trois Instituts de Micro Finance (MUSSED, MUTEC, MUFFEDYC) pour une durée de trois ans (2008 – 2011), par le biais duquel un ensemble d’activités a été définie et repartie entre les parties (ASSOAL et IMF). A ce titre, ces IMF accordent avec la contribution financière d’ASSOAL des prêts remboursables aux cibles pour la mise sur pied de leurs AGR sur un délai n’excédant pas un an et assorti d’un taux d’intérêt annuel de 10%. Judicieux serait de noter que le remboursement de crédit par les cibles se fait mensuellement auprès des IMF partenaires. Un suivi – terrain trimestriel se fait également par le biais des descentes auprès des cibles appuyés dans le but d’apprécier le niveau de mise en œuvre de leurs AGR, mais aussi de leur apporter un appui/conseil relatif aux difficultés décelées lors dudit suivi.
Données pratiques
Échelle territoriale: Dans les 16 quartiers du PDQUD
Public – cible : Jeunes et Femmes défavorisés, petit entrepreneurs, GIC
Acteurs du projet : ASSOAL, MUSSED, MUTEC, MUFFEDYC, MUCOSANY, RUHY
Durée actuelle : 2 ans (2008 – 2010)
Résultats actuels : Appui financier à 117 AGR pour femmes et jeunes ; Appui technique et financier à la structuration et légalisation de plus de 75 GIC; Les compétences managériales, organisationnelles et opérationnelles des responsables d’IMF sont renforcées en matière de gestion d’une micro - finance ;
{{Analyse de l’expérience à la lumière des 10 Principes de bonne gouvernance]]
1- Se fonder sur une approche territoriale et le principe de subsidiarité
Ce projet est mis en œuvre dans les 16 quartiers du PDQUD. Comme tel, dans sa phase opérationnelle, il n’existe aucune différence d’approches entre les quartiers constituant la zone d’intervention du projet. Une seule et unique approche d’intervention est usité pour tous les demandeurs de crédits, quels que soient leur origine et leur statut social. Ces derniers sont tous astreints non seulement à la même procédure d’octroi de crédit, mais aussi et surtout à la même méthodologie en vigueur. Dans le cadre du partenariat entre ASSOAL et les IMF, chaque partie à un rôle qui lui est spécifique. Ce qui fait appel à plusieurs niveaux de gouvernance, et chacun dans ce processus joue bel et bien son rôle sans empiéter ou vouloir outre mesure avoir une main mise absolue sur tout le système.
2- Instituer un dialogue au sein des communautés plurielles
Lors de la phase pilote du projet, moult campagnes de sensibilisation ont été organisées par ASSOAL par l’équipe de gestion du DAISEFJD dans le but non seulement de présenter les enjeux du DAISEFJD, mais aussi de recueillir les suggestions éventuelles de la communauté vis – à – vis de la philosophie du projet de façon à améliorer la méthodologie d’intervention. En outre, des volontaires issus des quartiers du PDQUD ont été formés au montage d’un Business plan dans l’optique de faciliter la procédure d’octroi de crédit en mettant sur pied des relais au sein desdits quartiers dans le souci de répondre aux préoccupations locales.
3- Remettre l’économie à sa juste place - Gérer les ressources
Conduit avec l’appui financier de CORDAID, ce projet a pour ambition de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des couches sociales défavorisées de la ville de Yaoundé, dans l’optique d’apporter une contribution dans le vaste champ de la sempiternelle question de lutte contre la pauvreté. D’autres ressources sont également exploitées notamment les ressources matérielles (voiture et moto) et humaines (équipe de gestion du DAISEFJD), mis à disposition par ASSOAL.
4- Se fonder sur une éthique universelle de responsabilité
Les valeurs partagées par l’ensemble des acteurs impliqués dans le projet sont la participation citoyenne, la bonne gouvernance et la solidarité. Les acteurs impliqués dans le présent projet se reconnaissent tous dans ces valeurs en ce sens que chacun en ce qui le concerne met prioritairement l’individu au centre de ses préoccupations en mettant sur pied des mécanismes favorisant l’entraide et la solidarité entre les citoyens/membres au sein de la communauté. Le sens de responsabilité y est de mise en ce sens que les IMF partenaires présentent des rapports à ASSOAL suivant une périodicité bien précise. Des réunions de remboursement mensuel de crédit sont des occurrences au cours duquel, les bénéficiaires de crédit rendent compte de la gestion financière de leurs AGR, laquelle est appréciée par le respect du montant de remboursement mensuel attendu. En outre, le journal de caisse est également un outil qui permet à l’équipe de gestion du DAISEFJD au cours de descentes de suivi d’apprécier le niveau d’évolution de l’activité et sa pertinence en faisant une comparaison entre les entrées et les sorties émanant de celle – ci au cours d’une période précise.
5- Définir un cycle d’élaboration de décision et contrôler les politiques publiques
D’emblée, il convient de signaler que le choix des 03 IMF se justifie par le fait qu’ils sont tous membres du Réseau National des Habitants du Cameroun (RNHC) et également parce qu’ils ont été pour la plupart accompagnés par ASSOAL dans le processus d’élaboration de leur diagnostic organisationnel. Ce projet a été élaboré par ASSOAL en direction de CORDAID suivant un processus coopératif entre acteurs. A l’issue de la phase pilote dudit projet, un débat public autour de cette expérience entre les différents acteurs s’en est suivie sur la question de la création d’une plate forme AGR pour la région du Centre dont le rôle central est la promotion de l’insertion socio – économique des couches sociales défavorisées de la région du Centre par l’implication d’un groupe d’acteurs multi – sectoriels (ONG , Associations , IMF , Entreprises citoyennes … etc. ) . La réalisation de cette initiative ô combien louable reste encore en gestation. Le projet sera évalué par CORDAID qui est une expertise indépendante et avérée en matière de développement local.
6- Organiser la coopération et les synergies entre acteurs
Il existe une synergie entre les acteurs du projet. Celle-ci est encore bien perceptible aujourd’hui à travers les rapports harmonieux entre les cibles et les différentes parties prenantes du projet. Dans ce partenariat, ASSOAL, MUSSED, MUTEC, MUFFEDYC, MUCOSANY et le RUHY jouissent chacun en ce qui le concerne d’une liberté de négociation et d’initiatives en ce sens que chacune de ses structures fonctionnent de façon autonome, mais pour des besoins d’efficacité et d’efficience, ont dû faire corps pour davantage maximiser les résultats qui somme toute améliorent le vécu quotidien des cibles. Ce projet a plus ou moins de répercussions dans les procédures de l’administration publique en termes de changements culturels en ce sens que, les pratiques telles que la corruption, la lenteur administrative, le retard des fonctionnaires au travail et l’absentéisme notoire sont autant de points négatifs que l’on ne retrouve guère au sein des structures partenaires du DAISEFJD. Cette comparaison faite par les citoyens donne généralement la place prépondérante à la société civile et au secteur privé, le tout ayant pour conséquence, une constante émulation entre les fonctionnaires, les travailleurs de la société civile et du secteur privé, amenant de ce fait les fonctionnaires à plus de dynamisme et de rigueur dans le travail.
7- Concevoir des dispositifs cohérents avec les objectifs poursuivis
Dans l’ensemble, les dispositifs mis en place sont cohérents avec les objectifs poursuivis. ASSOAL dispose des moyens humains et logistiques qu’elle met à disposition de manière à faciliter la mise en œuvre quotidienne du projet. Cependant, l’on note des insuffisances réelles en termes de ressources humaines et matérielles au sein des IMF partenaires du DAISEFJD. Cette situation est due au fait que le taux intérêt de 10% pratiqué est très inférieur au point qu’il ne permet pas de répondre à toutes les charges et sollicitations y relatives.
8- Maîtriser les flux d’échange des sociétés entre elles et avec la biosphère
Le projet a pu mettre en place un réseau d’information efficace par le biais du Réseau Urbain des Habitants de Yaoundé (RUHY). Une pléthore de dépliants a été conçue et mis à la disposition de ce réseau pour distribution. De même, au cours des activités quotidiennes organisées par ASSOAL, les informations relatives au projet sont relayées non seulement par le personnel d’ASSOAL, mais aussi et surtout par les Délégués du Programme de Développement des Quartiers Urbains Défavorisés (PDQUD). Ledit projet dispose d’un capital social solide constitué d’experts dans le domaine du développement local et de la micro – finance et jouissent d’une expérience professionnelle avérée et fort appréciable.
9- Gérer la durée et savoir se projeter dans le temps
Pour la suite du projet, l’on envisage rechercher des financements auprès d’autres bailleurs de fonds dans le but d’augmenter le fonds rotatif.
10- De la légalité à la légitimité de l’utilité, des valeurs et des méthodes
Ledit projet répond à un besoin d’autonomisation des couches sociales défavorisées par le micro – crédit octroyé par les IMF dans le cadre du DAISEFJD. La participation citoyenne, la transparence et la solidarité demeurent les seules valeurs et principes partagés entre les partenaires/acteurs du projet. Les responsables politiques ne sont pas compétents pour gérer ce projet car de nombreux projets /programmes existent dans l’administration publique visant le même objectif, mais sont rapidement détournés à d’autres fins par l’influence de la politique et les assauts de la corruption. Les méthodes utilisées à l’heure actuelle nous semblent pertinentes au regard des résultats actuels enregistrés.
Commentaire
La mise en œuvre actuelle du DAISEFJD présente quelques difficultés à l’instar de l’incapacité à satisfaire la demande sans cesse croissante du fait de l’insuffisance du fonds rotatif destiné à appuyer les cibles ayant déjà atteint un niveau plus ou moins élevé sollicitant des montants allant au delà de 500 000 F ; l’insuffisance de la ressource humaine au sein des IMF partenaires du DAISEFJD ; l’insuffisance des moyens logistiques (équipements et matériels roulant pour le suivi des cibles … etc.) , l’incapacité pour un certain nombre de cibles à remplir les conditions d’octroi de crédit qui ont été fixées.
Questions que pose cette expérience
• Que faire pour les cibles qui n’arrivent pas à remplir les conditions d’octroi de crédit fixées ?
• Quelles stratégies mettre sur pied en vue de l’augmentation du fonds rotatif destiné à l’appui d’un nombre important de cibles ?
• Peut – on envisager d’autres solutions pour l’insertion socio – économique des femmes et jeunes défavorisés ?
Source
Tribune du citoyen
Dépliants du projet (DAISEFJD)
Entretien avec NKANJO Bruno Hervé (Responsable du DAISEFJD)
Sources :
Site web de D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-h.info/index_fr.html